samedi 31 mai 2014

A comme... Argentine

En octobre 2008, je découvrais que j'avais des cousins en Argentine. En effet, Eugénie VILLECOURT, cousine germaine de mon arrière-grand-père, y avait émigré au début du XXème siècle, et y avait fait souche.
Ceux d'entre vous qui lisaient déjà mon ancien blog connaissent déjà cette histoire, mais je profite de la lettre A pour parler à nouveau de la branche argentine de la famille. Petit retour en arrière...



Bien que les familles ne se fréquentaient pas, j'ai toujours su que mon arrière-grand-père, Pierre VILLECOURT, avait de nombreux cousins germains, notamment grâce aux tableaux généalogiques qu’avait tracés ma grand-tante Badie.

Parmi ces cousins, il y avait Eugénie VILLECOURT, née le 5 novembre 1869 au Creusot (Saône-et-Loire), fille de Jean Antoine et de Marie Claudine LAMAIN. Elle était le 3ème enfant du couple, après un petit Auguste, né en 1866, et décédé au bout de quelques mois seulement, et Raymond, né en 1867, futur médecin, qui sera à l'origine de l'impressionnante branche canadienne de la famille.

Après la naissance d'Eugénie, la famille VILLECOURT n'apparaît plus dans les registres du Creusot : Lucile et Jeanne, les deux autres sœurs indiquées dans le tableau de Badie avaient donc dû naître ailleurs, mais où ?

Dans un acte de notoriété de 1893 passé après le décès de son frère aîné, Jean Antoine VILLECOURT était indiqué comme demeurant à Paris. Grâce à Geneaservice, j'ai effectivement trouvé plusieurs documents concernant sa famille, dont la publication de mariage d'Eugénie avec un certain Jules Louis ROISIN en 1897.

Mes recherches en étaient là quand arriva le message de Roberto, Fernando et
María Eugenia SOLANS. Ils m'indiquaient qu'ils étaient les petits enfants d'Eugénie, qu'ils habitaient en Argentine, et qu'Eugénie avait vécu de nombreuses années à Buenos Aires.

Vous imaginez bien ma surprise et mon impatience à vouloir en savoir d'avantage. Les informations ne tardèrent pas, et après quelques échanges, et des recherches complémentaires effectuées dans les dépôts d'archives français, voilà le parcours d'Eugénie tel que nous avons pu le retracer.

Eugénie se maria avec Jules Louis ROISIN le 3 juillet 1897 à Paris, 10ème arrondissement. A l'époque, l'époux, originaire de Pommiers (Aisne) était sans profession et vivait avec ses parents concierges à Paris. Eugénie était quant à elle femme de chambre et vivait avec son père, sa mère étant déjà décédée. C'était un mariage  classique comme on en trouve souvent à Paris entre provinciaux venus chercher une vie meilleure dans la capitale.

Moins d'un an après, Eugénie donnait naissance à une fille, Marguerite, le 28 mai 1898 à Paris, 16ème arrondissement. Les parents étaient tous les deux sans profession.

Que s'est-il passé après ? Mystère !

Ce qui est sûr, c'est qu'Eugénie et Alphonse François Louis SOLANS, un architecte né le 13 juillet 1887 à Toulouse, arrivèrent ensemble en Argentine au début des années 1900.

Ils n'étaient pas mariés pour la bonne raison qu'Eugénie était toujours l'épouse de Jules ROISIN, qu'elle avait laissé en France avec leur fille.

Quant à Alphonse, il avait déserté l’armée française et fuit avec Eugénie jusqu’en Argentine. Il faut noter qu’Eugénie avait 18 ans de plus qu’Alphonse !


Ils s'installèrent à Victoria, une ville de banlieue à 20 kilomètres au nord de Buenos Aires. Ils eurent deux fils : Enrique Marcelo, né le 28/11/1907, et Fernando Alejandro, né le 10/12/1909, père de Roberto, Fernando et
María Eugenia.

La famille vécut ses premières années en Argentine un peu à l’écart de la société locale, et enfermés dans leurs coutumes et leur langue. Les enfants apprirent d'abord à parler et à lire en français, puis en espagnol.

Eugénie revint seule en France en 1917 lors du décès de son époux. Elle tenta alors de ramener sa fille Marguerite avec elle en Argentine mais sans succès. De retour à Buenos Aires, elle épousa Alphonse le 29 mars 1920.

Alphonse, qui avait étudié l’architecture à la Sorbonne (selon la tradition familiale en tous cas) ne pouvait pas faire valoir ce titre professionnel en Argentine. Il fit quelques travaux d'architecture sous la signature de collègues locaux. Le reste du temps, il était employé de l'hôtel de ville de Tigre, un district proche de Victoria.

Malheureusement, l’histoire d’amour ne dura pas longtemps. Alphonse mourut prématurément, à l’âge de 38 ans, en 1925. Fernando, qui n’avait que 14 ans, dû aller travailler car son frère aîné, Marcelo, avait quitté la maison.

Eugénie eut une vie paisible jusqu’à son décès en 1946. Elle put voir Fernando grandir, établir son propre foyer et lui donner son premier petit-fils, Fernando, né en 1943.

Fernando eut ensuite deux autres enfants : Roberto en 1948  et
María Eugenia en 1951, nommée ainsi en souvenir de sa grand-mère.

Si cet exil loin de France vers des terres inconnues d'un couple d’amoureux peut apparaître aujourd’hui comme terriblement romantique, ce n'était pas le cas il y a une cinquantaine d’années. Roberto me disait que la désertion d'Alphonse et l'abandon par Eugénie de sa première famille fut un véritable fardeau moral pour l'homme honorable qu'était son père.

Le mystère de la fuite d'Eugénie et Alphonse reste encore entier aujourd'hui. Où et quand se sont-ils rencontrés ? Pourquoi ont-il fuit si loin ?

Etait-ce uniquement pour ne pas être rattrapés par leur passé et l'armée notamment ?

Roberto a entendu deux versions concernant Jules ROISIN, premier époux d'Eugénie. C'était soit un industriel ou un négociant, soit c'était un militaire, chef d'Alphonse, dans l'armée française. Il va falloir pister ce Jules ROISIN, mais à Paris, ça ne va pas être une chose facile...

J'ai récemment pu estimer plus précisément l'époque où Eugénie et Alphonse ont quitté la France. En effet, les archives Départementales de la Haute-Garonne ont mis en ligne il y a quelques semaines les registres matricules militaires, et j'ai pu y retrouver très facilement la fiche concernant Alphonse. Voilà ce qu’on y apprend :

Registre matricule d'Alphonse François Louis SOLANS [1]


"Engagé volontaire pour 3 ans le 13 septembre 1905 à Toulouse au titre du 83ème régiment d'infanterie. Arrivé au corps le 16 septembre 1905. Soldat de 2ème classe. Manquant l'appel du 11 novembre 1906. Déclaré déserteur le 18 novembre 1906. Rayé des contrôles de la désertion le 13 février 1937 ayant atteint à cette date l'âge de 50 ans (présomption). Dégagé de toute obligation militaire le dit jour."

On peut donc estimer le voyage des amoureux entre novembre 1906 et novembre 1907. Il serait intéressant de pouvoir retrouver des listes d'embarquements de passagers pour l'Argentine, mais nous ne savons même pas de quel port ils avaient pu partir.

Roberto m'a bien entendu communiqué toute la descendance d'Eugénie, du moins la partie qu'il connaît car Marcelo et Fernando se sont perdus de vue très tôt. Anecdote amusante, la fille ainée de Roberto habite en France avec son mari et ses enfants, et plus précisément dans la région d'Auxerre où vivent également des cousins VILLECOURT d'une autre branche.

De mon côté, j'ai pu retrouver la trace de Marguerite qui est décédée en France dans les années 70, sans avoir été mariée.

Finalement, c'est grâce à ces nouveaux cousins argentins que j'ai pu faire avancer mes recherches au Canada : en effet, María Eugenia m'a fait parvenir la copie d'une lettre adressée à Eugénie par sa sœur religieuse au Québec.  Une vraie entraide transatlantique !

Sources :
[1] Fiche matricule d'Alphonse François Louis SOLANS, Site Internet des Archives Départementales de Haute-Garonne, http://www.archives.cg31.fr/ , Registres matricules du recrutement militaire, classe 1907, Bureau de Toulouse, 11 R 342 vue 601

16 commentaires:

  1. Quelle aventure, quelle vie, et quelle superbe découverte :)

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    1. Merci Brigitte. C'est fut vraiment une découverte complètement inattendue !

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  2. Magnifique saga familiale pour vos cousins transatlantiques. Bravo pour ces recherches.

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  3. Quelle chance d'avoir été contacté par des cousins argentins ! Et du coup, d'avoir pu ainsi avancer dans tes recherches ! Parfois, un petit maillon d' informations permet de découvrir toute une vie ! Ton exemple nous le prouve bien !

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  4. Je ne dirai qu'une seul mot : bravo !

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  5. Bravo pour cet article. Quelle belle aventure :-) Et quelle chance d'avoir pu découvrir tes cousins argentins. Une sœur de mon arrière-grand-père est partie vivre en Argentine (à Cordoba) avec son mari à la fin du XIXème siècle. J'adorerais faire la connaissance de mes cousins argentins !
    Elise

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    1. Salut, Elise! Je suis une des cousines argentines, petits-enfants de Eugénie Villecourt et Alphonse Solans.
      Excusez mon français via Google Translator.
      Je serai heureux de répondre sur ma Facebook page ou par mail à rsolans [at] gmail [dot] com.

      Cordialement,

      Roberto Solans

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  6. c'est vraiment bien fait j'aimerais avoir le même b log peut-être un conseil - bravo

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  7. vraiment captivant et intéressant cette recherche qui nous mène jusqu'en Argentine!
    merci Benoît,. je vous lis avec un très grand intérêt.
    Andrée Villecourt du Québec

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  8. Villecourt -de Meij Hélène2 juin 2014 à 12:32

    Captivant cette histoire et totalement romanesque! Merci Benoît

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  9. Merci à tous pour vos commentaires sympathiques. J'espère que les articles suivants vous intéresseront également.

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  10. Quelle belle histoire !!! J'espère que vous trouverez des réponses à vos questions et que vous nous en ferez profiter.

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  11. Quelle belle manière de retrouver la trace de ceux qui nous précédés...

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  12. très belle histoire.. bravo.. mais dites moi comment avez vous retrouver vos ancêtres en argentine? j'ai mon grand père maternel qui est parti à victoria en argentine et comment faire des recherches? Merci d'avance pour l'info et encore bravo pour votre histoire.

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